Faen - Présentation d'un Kokiri

- Reviens ! Tu ne peux pas y aller ! Il est trop tard ! Faen !

- Si je ne fais rien, elles vont mourir !

La silhouette enfantine de son ami avait détalé dans les bois à toute allure. Lanthir peinait à le suivre dans cette végétation : il était pourtant né dans cette forêt, lui aussi. Comment se faisait-il que la noirceur des bois se refermait désormais autour de lui ? Tout ceci était effrayant, même pour lui qui se targuait de n'avoir peur de rien. Aujourd'hui, cette peur tant repoussée faisait battre son cœur à toute vitesse. Faen disparaissait derrière les buissons et il était incapable de le suivre !

Rien n'était plus pareil depuis la mort du Vénérable Arbre Mojo, depuis le départ du garçon sans fée... La forêt avait basculé dans les ténèbres et des monstres avaient fini par surgir et cela même au cœur du village des Kokiris. Le petit peuple qui vivait là n'avait plus que lui-même pour se défendre de la menace qui grandissait au nord des plaines d'Hyrule.

- Faen !

Des hurlements de frayeur retentirent au loin et la fée battit des ailes comme jamais dans sa vie. Ils vivaient si paisiblement depuis tout ce temps... Pourquoi tout basculait-il ainsi ? Les grognements des lobos lui glacèrent le sang. Ils attaquaient... Son ami n'était pas de taille à les affronter !

C'est pourtant face à eux que Lanthir le retrouva, brandissant un bâton mojo et en protection devant deux demoiselles qui n'avaient pas eu le temps de fuir. Les deux lobos se retrouvèrent bientôt privés de leurs deux proies, mais pas de la troisième. L'un d'eux partit à la poursuite des filles tandis que le deuxième s'apprêtait à attaquer.

Acculé, Faen agita le bâton devant lui pour le maintenir à distance, mais ne se heurta qu'à des griffes qui lui retirèrent aussi vite son arme des mains. Le monstre cessa de tourner autour de lui et passa alors à l'attaque. Pas moyen de fuir. L'ombre se dessina au-dessus du Kokiri et s'abattit sur lui sans la moindre pitié.

- NON !

Lanthir s'éveilla en sursaut.


Malgré les rumeurs concernant le retour de Ganondorf sur ces terres, la Forêt Kokiri se portait bien. Aucun incident n'était venu attenter à la vie du Vénérable Arbre Mojo et les bois se trouvaient toujours sous sa protection. Aucun monstre ne montrait le bout de son nez et la vie continuait à prospérer. Le joyeux peuple qui vivait dans cette clairière ne se souciait pas encore des tracas de l'extérieur, du moins à part Saria.

Faen avait noté l'humeur massacrante de Lanthir sans pour autant oser lui poser la question. Certes, le Kokiri était inquiet, mais la fierté de son ami aurait eu raison de toutes les interrogations possibles : autant attendre qu'il vînt lui parler de lui-même. Qu'est-ce qui pouvait bien le tracasser comme ça ?

Occupé à ranger du thym séché dans des pots pour le conserver, le jeune garçon coula un regard interrogateur vers la fée qui voletait à la fenêtre de leur maison. Si Lanthir n'entrevoyait que quelques bribes de souvenirs à travers des cauchemars, Faen ne se souvenait pas de sa mort, dans ce futur qui n'aurait jamais lieu. Grâce aux Déesses, c'était mieux ainsi. Pour l'heure, tout ce qui le préoccupait était de trainer son meilleur ami jusqu'à l'Arbre Mojo pour lui faire cracher le morceau.

Vingt-et-un ans ce n'était pas beaucoup, comparé à bien d'autres Kokiris qui vivaient dans le village. Pour eux, le temps n'était guère plus que quelques jours passés à jouer et protéger la forêt. Les obligations étaient essentielles à leur survie, mais pas plus que ça.

Faen avait grandi dans cette petite famille, avait vu Link le Héros s'épanouir quelques temps parmi eux et quitter la forêt. Quant à lui, hé bien Faen continuait son chemin avec les autres. Il ne se voyait pas dans un meilleur endroit qu'ici, malgré toute sa curiosité pour le monde extérieur. Leur père l'avait doté d'un don pour les plantes et d'un fort joli métier, il n'entendait pas le gâcher.

La vie était paisible pour eux, malgré ce qu'il aurait pu se passer. Ce temps n'existait pas. Plus maintenant que le Héros du Temps avait agi. Tous savaient qu'ils lui devaient beaucoup et peu se rappelaient de ce qui avait eu lieu.

- Lanthir, vas-tu enfin te décider à me parler de ce qui ne va pas ? Tu es tout bizarre depuis quelques temps, hasarda Faen en perdant patience.

- C'est cette histoire de rumeurs, finit par répondre la fée, je n'aime vraiment pas ça.

D'accord... Que répondre ? Malheureusement, un Kokiri et une fée ne pouvait s'aventurer seuls dehors pour s'assurer que le royaume était en sécurité. Le scénario avait déjà été joué et il s'avérait que le Kokiri n'en était pas un et qu'il possédait la force nécessaire pour agir en Héros : ce qui n'était définitivement pas leur cas. Refermant le bocal qu'il tenait entre ses mains, Faen finit par se rapprocher de la fenêtre et jeta un œil sur le village.

- Pour le moment, la seule chose que nous pouvons faire c'est vivre comme nous le faisons d'habitude tout en nous montrant prudents.

Arrêter de vivre ? Certainement pas ! C'eut été mal connaître le jeune Kokiri !

- Que dirais-tu d'aller nous dégourdir les jambes et les ailes ? Mido voudrait de la rhubarbe sauvage. Tu sais comment il est quand j'oublie de lui rapporter ce qu'il veut...

Tout le monde savait ça et tout le monde savait que Faen oubliait... souvent. Les deux amis poussèrent un soupir blasé de concert à la pensée du scandale que l'absence de cette plante provoquerait chez leur chef. Il était gentil, mais pouvait parfois se montrer légèrement casse-pieds et c'était peu dire. N'ayant guère envie de supporter les reproches, ils finirent par sortir. Une absence brève étant donné qu'il valait toujours mieux ne pas s'attarder dans les bois.

- Allons-y avant de l'entendre piailler dans nos oreilles comme une pie enragée, acquiesça Lanthir sans hésiter.

Leur vie avait toujours été paisible pour eux dans cette trame du temps... néanmoins, tout pouvait encore basculer.